C'était pourtant bien parti, lorsqu'avec Antoine il y a déjà 8 ans nous avons commencé à bartasser dans les falaises supérieures d'Annot, notre intérêt s'est d'abord tourné vers les désormais fameuses fissures/trad que nous avons choisi de ne pas équiper, avec quelques luttes pédagogiques mais une belle réussite.
A cette époque, le club d'annot "Vive Les Gestes"qui avait connu un apogée dans les année 90, était un peu en stand-by, essentiellement orienté vers la salle d'escalade et les groupes d'enfants. Nous avons pensé, avec des gens du village aussi, qu'il serait bien plutôt que de faire les choses dans notre coin, de participer à la vie du club et de mélanger falaise et plastique pour une nouvelle dynamique de l'escalade à Annot comme dans le temps.
Cette dynamique a été très productive car nous avons réussi à lier de forts liens d'amitiés avec les habitants d'Annot, à leur montrer que nous pouvions être des gens raisonnables et utiles (consommation), leur expliquer ce que nous faisions avec nos gros tapis, comment on se protégeait dans des fissures "sans pitons", bref de partager une forêt où les uns comme les autres nous avions des passions diverses.
Il ne faut pas oublier qu'Annot connaissait une certaine sensibilité liée à la fréquentation de la piste d'Argenton, qui n'est d'ailleurs pas à Annot mais sur la commune du Fugeret pour l'essentiel, de nombreux amalgames existaient entre grimpeurs, ramasseurs de champignons, squatteurs, campeurs. Même si les ouvreurs du spot avaient déjà bien géré par la mise en place du site internet et une masse non négligeable de pédagogie, il est important que les gens puissent mettre un visage sur les protagonistes et c'était désormais le cas.
Lorsque nous avons eu à discuter avec les différentes parties concernant les secteurs de trad ou ce qui allait devenir l'Annot à bloc, nous n'avons eu aucun soucis, que de l'enthousiasme de la part des habitants d'Annot et ce au fil de nos prospections, nous avons fini par tomber sur une zone ou les blocs étaient particulièrement classes et surtout très concentrés, après quelques coups de brosses fructueux (Antoine avait participé activement à l'ouverture des bloc d'Argenton), nous nous sommes dit que ce serait cool d'y faire une bringue-grimpante. L'Annot à bloc était né.
Mais l'erreur (rétrospectivement) c'est qu'au lieux de faire les choses " à l'ancienne" nous avons décidé d'en parler et de faire les choses dans les règles, il nous semblait que nous risquions de mettre en péril le reste des secteurs en ouvrant sans autorisation. Nous sommes donc allé voir la mairie pour discuter de notre idée et voir dans quelle mesure il était possible d'avoir une aide logistique ou tout au moins la possibilité de contacter les propriétaires des parcelles.
A notre grande surprise, la mairie souhaitait justement mettre en valeur les grès, disposait à ce propos d'une enveloppe conséquente attribuée par la communauté européenne et ne savait pas trop par quel biais l'utiliser.
Nous avons donc discuté et élaboré un évènement tant pour les grimpeurs (100 blocs nouveaux à chaque édition) que pour les gens des alentours (animations sur la place et tutti-quanti), c'est ainsi que les 2 éditions du Annot à bloc ont eu lieux, la mairie au commande de la communication, nous à la logistique avec des prestataires du coin et le club pour s'occuper des enfants, l'accueil et autres ouvertures sur le bloc des finales.
Entre temps, beaucoup de grimpeurs de tous horizons commençaient affluer dans les secteurs de trad qui prenaient une certaine ampleur (près de 200 longueurs) et nous nous sommes dit que ce serait marrant d'organiser un meeting trad, cela permettrait de faire venir des grimpeurs forts d'un peu partout pour essayer les projets mais surtout en faisant un peu de com, nous espérions récupérer du matos (coinceurs) à faire essayer aux débutants en trad ainsi que les prendre en main pour leur montrer comment l'utiliser dans les nouveaux secteurs de voies faciles. Un véritable topo est née et le meeting à été un surprenant succès malgré absolument aucun moyens si ce n'est des bras, des brosses et quelques rares cerveaux...
Dans notre tentative de communication, des gens du villages nous ont proposé de l'aide, des commerçant, des gens, les bars évidemment. Seule la mairie semblait dubitative et alors que nous sollicitions l'utilisation de la salle polyvalente du village pour une des soirée, les choses ont tourné au vinaigre : un des adjoints nous accusait violemment de détourner "l'Annot à bloc" pour le faire devenir un "Tradannot" !!!
Incompréhensions!!!
Mais tentative d'explications : détourner notre propre évènement pour quoi faire?? Pas le même style d'escalade, pas les même grimpeurs, pas les mêmes dates, pas le même endroit, pas les mêmes moyens (aucun)...il nous a semblé que l'affaire était entendue, les deux évènements ont eu lieux avec un beau succès.
C'est à ce moment que se produit une savante alchimie entre le saucisson, le sparadrap mais surtout catalyseur essentiel de la réaction : la connerie.
Alors que depuis plusieurs mois la mairie nous laisse dans l'inquiétude quant à l'organisation ou pas de l'annot à bloc, un étrange appel d'offre est ouvert pour l'intégralité du Annot à bloc (communication et logistique). Nous ne comprenons pas car habituellement, une énorme partie du Annot à bloc est bénévole et selon nous cela serait trop coûteux de faire facturer les milliers d'heures accumulées, d'autres part, nous organisons et brossons les blocs avant l'évènement et ne voyons pas trop quel type d'entreprise pourrait s'occuper à la fois de la com et de la logistique( brossage que nous effectuons avec plaisir).
La mairie nous rassure et nous demande de nous organiser pour répondre nous même à l'appel d'offre, prétextant des obligations administratives et l'envie de déléguer complètement la communication à des personnes compétentes.
En fait, nous tombons dans un piège, alors que nous répondons à l'appel d'offre pour la somme exacte que coûte l'évènement les deux années précédentes, la mairie est déjà organisée depuis 3 mois avec une entreprise qui comme par miracle facture moins cher.
Verdict : le club et les grimpeurs d'Annot devront aider gratuitement le prestataire, lui montrer ou sont les blocs, lui fournir le matériel utile, trimbaler le matos, effectuer l'accueil des participants et les recettes du challenge seront encaissées par....la mairie!!!
Bien entendu nous n'acceptons pas et lors d'une réunion avec les politiques l'explication nous est donnée, textuellement :
- "Vous êtes punis car le Tradannot était financé par l'opposition politique.
- ???!!! Mais le Tradannot n'a pas de budget!
- Le traiteur vous a donné des saucissons et le pharmacien du strap.
- ......"
Et oui...la politique c'est ça, des gens responsables et intelligents, doués de faculté d'analyse, capables de reconnaitre le travail des gens, de valoriser les bénévoles et chargés de s'occuper du bien-être des concitoyens.
Beaucoup de grimpeurs ne votent pas mais parfois, il faudrait vraiment.
Au-delà de cette sombre et classique histoire de récupération, il y a la nuance entre des organisations par des passionnés résidant dans un lieu qu'ils font vivre et des organisations mercantiles forcément plus puissantes mais avec quelle durée? Il y a aussi la solidarité entre les grimpeurs qui est parfois un peu décevantes face à tant de mauvaise foi, alors cette année il y aura peut-être un Annot à bloc, mais pas le notre.
Lionel Catsoyannis.